Pourquoi mes tirages sont trop sombres?

Par Andrew Rodney

Article original en anglais publié sur le site Luminous Landscape

Un des buts principaux de la gestion de la couleur est d'arriver à prévisualiser efficacement à l'écran ce qui apparaîtra sur le tirage (en anglais What You See Is What You Get ou WYSIWYG : ce que vous voyez, c’est ce que vous obtenez), avec le moins possible de tests d'impression et de tâtonnements pour passer de l'un à l'autre. Bien que les notions de calibrage et caractérisation des écrans, d'utilisation de profils ICC pour l'impression et d'épreuvage écran sous Photoshop soient répandues, beaucoup se retrouvent confontés à de grands écarts entre ce que leur montre leur moniteur et le tirage obtenu. Le refrain est connu : mes tirages sont trop sombres! Cet article vise à répondre aux questions suivantes : pourquoi ce problème est-il si courant? Où se situent ses racines? Enfin, comment peut-on y remédier?


Prérequis

Il va sans dire (mais mieux en le disant) qu'il faut calibrer et profiler (ou caractériser) les écrans. Rappelons que cette opération se compose de deux phases : le calibrage (on dit aussi calibration) vise à régler l'écran de façon stable et avec des paramètres optimaux, et c'est ce que l'on va approfondir ci-après ; une fois l'écran dans cet état stable et optimal, on peut le caractériser par un profil ICC, généré par la sonde et le logiciel associé, profil qui décrit sa façon de représenter les couleurs afin de la corriger. C'est une opération à faire régulièrement, parce que d'une part un écran évolue dans le temps, et d'autre part la variation d'un écran à l'autre est trop grande pour pouvoir se contenter de profils d'écran génériques. Il faut également disposer de profils ICC d'impression de bonne qualité, et une application qui gère ces profils ICC et permet l'épreuvage écran (souvent désigné par le terme anglais soft proofing), comme par exemple Adobe Photoshop. Ces éléments permettent de contrôler l'affichage des images à l'écran, pour être sûr que l'écran restitue la bonne couleur pour chaque valeur R,G,B des pixels de l'image.

Tout autant que le comportement de l'écran, il faut contrôler l'environnement dans lequel on visualise ses tirages. On évitera les reflets, les sources de lumière variable (attention au soleil) ou les fausses économies, et on cherchera une source de lumière avec un spectre adéquat (on y reviendra) et constant. De la même façon qu'on n'aurait pas vraiment idée de regarder ses tirages avec une lampe frontale ou des chandelles, il faut bien réaliser que la qualité de la lumière utilisée influe autant sur le résultat que le paramétrage de l'écran. Cette lumière ne doit pas éclairer directement l'écran, et devrait idéalement être réglable pour pouvoir moduler la façon dont sont éclairés les tirages. Certains objecteront bien que de telles précautions sont inutiles, car le client verra ses tirages dans un environnement totalement incontrôlé ; certes, mais dans ce cas il ne faut plus du tout chercher de correspondance entre écran et tirages! Cette correspondance dépend autant des paramètres d'affichage à l'écran que de la façon dont on regarde les tirages.

Et mes tirages, alors, sont-ils trop sombres? C'est la principale complainte entendue sur les forums à propos d'impression et de gestion de la couleur. Et oui, il peut y avoir des conditions dans lesquelles les tirages paraissent trop sombres. Cependant, avant de se ruer sur le curseur « luminosité » pour éclaircir l'image (comme les moins avisés le conseilleraient de suite), il importe de savoir si le tirage est réellement trop sombre en essayant d'autres conditions de visualisation : en extérieur à la lumière du jour, dans une autre pièce, à côté d'une fenêtre... Si vraiment le tirage paraît trop sombre quelles que soient les conditions, c'est qu'il y a un problème. Ce peut être qu'effectivement, l'image elle-même est trop sombre. Ou qu'un paramètre d'impression est mal configuré, ou que le profil d'impression n'est pas bon, ou encore que l'imprimante est défectueuse... mais neuf fois sur dix, le tirage n'est pas si sombre que ça une fois bien éclairé. Par contre, il plus sombre que l'écran, parfois de beaucoup! L'écran est pourtant calibré et profilé, mais sans tenir compte des conditions de visualisation des tirages. En d'autres termes, ce n'est pas parce qu'un tirage apparaît trop sombre à la lueur d'une bougie qu'il est trop sombre dans l'absolu. 


Calibrage et luminance

Beaucoup de ceux qui se plaignent de tirages trop sombres assurent avoir calibré leur écran. Calibré, oui... mais sur quelle cible? Pour calibrer un écran, il faut pouvoir préciser quels sont les paramètres cibles du calibrage, en termes de point blanc, de courbe de contraste (souvent appelé gamma par extension, mais pouvant recouvrir des formes plus complexes qu'un simple gamma) et de luminance. Ces valeurs doivent tenir compte de l'environnement de visualisation des tirages, et ont une forte influence sur l'apparence plus ou moins sombre, ou plus ou moins froide ou chaude des tirages : il n'est pas possible de fixer une cible générique qui convienne à tout le monde.

Le paramètre le plus important du calibrage est sans doute la luminance (parfois incorrectement appelée luminosité, ce qui ne change pas grand-chose à la démonstration). Une valeur arbitraire est souvent proposée en standard par les logiciels de calibrage, spécifiée en cd/m² (candelas par mètre carré). Il s'agit d'une unité comme une autre, mais au lieu de compter des distances en mètres ou des volumes en litres, elle définit l'intensité lumineuse émanant de l'écran, et plus précisément un flux d'une certaine intensité lumineuse (en candelas) sur une certaine surface (en mètres carrés). Une telle valeur arbitraire peut aussi être à l'origine d'un « mes tirages sont trop sombres », si elle ne prend pas en compte les conditions de visualisation des tirages! Du fait de la très forte luminance de la plupart des écrans LCD en sortie d'usine, et parce que trop d'utilisateurs n'adaptent pas cette luminance à leur environnement, on peut avoir des écarts énormes entre l'écran et le tirage : l'écran apparaît tellement lumineux que par contraste, le tirage apparaît trop sombre. La solution est simple : baisser la luminance de l'écran jusqu'à ce que le tirage apparaisse correctement. La bonne valeur n'est pas gravée dans le marbre, c'est celle qui permet la correspondance visuelle entre écran et tirage. On peut utiliser la recommandation courante 120-140cd/m² comme un point de départ, sachant qu'il faudra peut-être s'en écarter dans un sens ou dans l'autre pour trouver cette correspondance visuelle.

Nombre d'écrans LCD neufs ne peuvent tout simplement pas descendre au-delà d'une certaine luminance, particulièrement si on a comme référence un (vieux, forcément) tube cathodique bien moins lumineux (souvent calibrés autour de 80-90cd/m²), et il est souvent problématique de baisser la luminosité d'un LCD sous 120cd/m². La solution passe alors du côté des tirages : pour avoir une correspondance visuelle, il faut éclairer plus fortement les tirages, d'où l'utilité d'avoir une source de lumière réglable à disposition (on en reparlera). Le point à retenir est qu'on ne peut pas donner de valeur fixée à l'avance sans connaître les conditions de visualisation des tirages. La luminosité est souvent trop haute, mais des valeurs de luminosité très basses ne sont pas forcément souhaitables non plus (même si elles permettent au moins d'allonger la durée de vie d'un écran).


Point Blanc

Le point blanc désigne la couleur de la lumière perçue comme blanche à l'écran. Ce point a une influence sur la concordance entre écran et tirage, mais nettement moins importante que celle de la luminance. Il s'agit ici d'équilibrer le blanc de l'écran avec le blanc du tirage ; ici aussi, plutôt que de se conformer à une valeur arbitraire tombée du ciel, on procèdera de façon pragmatique pour rechercher une valeur qui produise cette concordance visuelle. Cette valeur peut être celle d'un illuminant standard comme D50 ou D65, ou elle peut être celle d'une température de couleur comme 5750K.

Le terme « température de couleur » vient d’une notion de physique, qui est l’émission théorique de lumière par un corps chauffé à une température donnée. Cette notion correspond bien aux éclairages à incandescence : ainsi, si un éclairage de type « Tungstène » a une température de couleur de 3250K, c’est parce qu’à l’intérieur de l’ampoule le filament est chauffé à cette température physique (équivalent à 3000°C environ). En pratique, plus un corps est chauffé, plus les radiations émises se décalent vers le bleu, donnant une lumière qu’on appelle plus « froide » : un point blanc correspondant à une température de couleur de 6000K, proche de la lumière du jour, est beaucoup plus bleu que celui d’une température de couleur de 3500K proche d'une lampe halogène (la couleur refroidit alors que la température augmente, eh oui rien n’est simple). Comme différents matériaux peuvent émettre des lumières très variables en pratique, on désigne une température de couleur par le spectre théorique complet de l’émission d’un corps idéal à cette température. On pourra lire http://www.ppmag.com/reviews/200512_rodneycm.pdf (en anglais) pour plus de détails sur ce sujet.

La variété des sources lumineuses pouvant servir à visualiser les tirages (halogènes, tubes fluo lumière du jour, LEDs...) rend vaine l'application aveugle de telle ou telle norme sans prendre en compte ces conditions de visualisation des tirages. La plupart des écrans LCD ont un point blanc natif autour de D65, ce qui constitue une bonne base de départ, l'affinage se faisant par essai/erreur : si le tirage apparaît trop chaud, on rendra l'écran plus chaud (ce qui revient à baisser sa température de couleur). Les yeux étant capables de s'adapter très rapidement à de petites différences de point blanc, ce paramètre est beaucoup moins crucial que la luminance. Cependant, avec un écran qui permet de définir plusieurs calibrations et plusieurs profils associés, il peut être utile d'accorder le point blanc de l'écran à tel ou tel papier, et de changer de calibration en fonction du papier utilisé. 


Courbe de contraste

On s'épargnera ici de longs discours sur les mérites comparés de courbes tarabiscotées : une simple courbe de contraste de type gamma 2,2 va très bien, et ce aussi bien sous Mac que sous Windows.

Il peut par contre être intéressant de spécifier la valeur du contraste maximal, si le logiciel le permet. Nombre de fabricants mentionnent dans leurs fiches techniques des valeurs de contraste les plus élevées possibles : ne serait-on pas tenté de croire que si un écran a un contraste de 800:1 seulement, il faut lui préférer un autre écran de contraste 1000:1? Eh bien non! Le contraste d'un tirage sur papier brillant est, au mieux, de 350:1 environ et celui d'un tirage mat est bien inférieur : c'est encore une cause d'écart important entre écran et tirage. Il peut donc être utile, pour une meilleure concordance visuelle, de spécifier une valeur de contraste plus basse que le maximum dont soit capable l'écran. C'est également la fonction des cases à cocher « Simuler la teinte du papier » et « Simuler l'encre noire » du dialogue d'épreuvage écran de Photoshop : elles rendent l'image terne et grise en baissant le contraste, mais ne font en fait que mieux représenter le faible contraste du papier. Sur ce sujet de l'épreuvage écran, de la simulation du contraste et des conditions de visualisation des tirages, on pourra se reporter à ces articles de l'auteur, en anglais :

http://www.ppmag.com/reviews/200409_rodneycm.pdf

http://www.ppmag.com/reviews/200410_rodneycm.pdf

http://www.ppmag.com/reviews/200411_rodneycm.pdf

NB : ces PDF datent de 2004 et sont basés sur une ancienne version de Photoshop, mais la fonctionnalité n'a pas évolué dans CS5. 


Accorder l'écran et le tirage

Il est possible de produire une très bonne concordance entre écran et tirage avec la méthode suivante, testée par l'auteur aussi bien à son bureau que lors de séminaires. Avant de commencer le calibrage, quelques éléments sont nécessaires : tout d'abord, il faut une bonne image de référence à afficher dans Photoshop. Un certain nombre sont disponibles sur le web et listées en fin d'article ; on se basera ici sur le test d'impression de l'auteur, disponible sur :

http://www.digitaldog.net/files/Printer_Test_file.jpg.zip.

Il faut ensuite faire un bon tirage de cette image, avec un profil ICC de bonne qualité, profil que l'on utilisera également pour l'épreuvage écran. Ce tirage sera placé dans l'espace de visualisation des tirages (idéalement, une cabine de visualisation ad hoc), et on comparera le tirage avec son épreuvage écran dans Photoshop pour arriver à une correspondance entre les deux.

Dans un premier temps, on partira de la cible « recommandée » car il faut bien partir de quelque part, en l’occurrence 140cd/m² de luminance, un point blanc à D65, un gamma de 2,2 et un contraste de 300:1 (en l’occurrence pour correspondre au tirage sur papier brillant). A la fin de la procédure de calibrage et caractérisation, une fois le nouveau profil d'écran dûment installé, on examine le fichier test dans Photoshop avec l'épreuvage écran réglé sur le profil de papier et le rendu utilisés pour l'impression, et en cochant les cases pour simuler teinte du papier et encre noire. On met ensuite l'image en mode plein écran, sans aucun autre élément d'interface qui puisse gêner (appuyer sur F plusieurs fois de suite, si nécessaire cacher les palettes avec Tab), et en réglant le facteur de zoom tel que l'image soit à la taille du tirage. Pour être vraiment précis, on peut même masquer en noir les marges blanches du tirage. On est alors dans les meilleures conditions pour juger de la concordance, ou pas, entre l’écran et le tirage. La cabine de visualisation permet, luxe appréciable, de régler la luminance arrivant sur le tirage. En l’occurrence, avec le point blanc D65, la luminance un peu remontée (150cd/m²) pour correspondre à la cabine (une GTI dont la luminosité est réglée à 50), les tonalités correspondent bien, mais l’écran est un peu trop froid.

Le point blanc se juge en priorité sur les gris clairs et les blancs de l’image. Etant parti de D65, il va falloir baisser quelque peu la température de couleur (pour la rendre plus chaude) ; un nouveau calibrage est donc fait à D55. Cette fois ci, l’écran est un peu trop chaud après caractérisation. En l’absence d’illuminant standard entre ces deux valeurs, on peut entrer une température de couleur intermédiaire : après deux itérations, le meilleur accord est trouvé à 5750K, ni trop froid ni trop chaud, et surtout avec des tonalités concordantes. Notons que le point blanc, s’il est surtout décrit sur l’axe jaune/bleu des températures de couleur (qui permet d’englober la plupart des éclairages courants : lumières du jour et incandescence), peut aussi varier sur l’axe magenta/vert( par exemple avec les éclairages fluorescents, qui possèdent une dominante verte en plus d’une température de couleur généralement basse) : il faut alors pouvoir décrire le point blanc cible en termes de coordonnées de couleur x,y (espace CIE xy) ou a,b (espace Lab).

A titre de vérification, il peut être bon de répéter l’opération avec différents types de papier, et/ou des images différentes : l’épreuvage avec le profil correspondant ne doit pas être franchement moins bon que ce qu’on a trouvé.


La cabine de visualisation

Rassurez-vous, il n’est heureusement pas nécessaire d’investir plusieurs centaines voire milliers d’euros dans une cabine de visualisation certifiée! mais il faut quand même un éclairage modulable et de bonne qualité pour les tirages. L’auteur utilise soit une cabine GTI, soit des lampes halogènes Solux (bien plus abordables). La cabine permet un contrôle précis de la luminance, sans que la température de couleur ne varie pour autant ; de telles cabines sont répandus dans le monde de la prépresse et de l’imprimerie, et les clients peuvent donc examiner des épreuves sous un éclairage identique à l’autre bout du monde. Cependant, les tubes fluorescents qui les composent ont un rendu spectral irrégulier, ce qui pose des problèmes notamment avec les papiers riches en azurants optiques. Il peut donc être préférable pour les tirages photographiques d’utiliser des lampes à incandescence comme les Solux, qui ont un spectre bien plus équilibré. Les inconvénients en sont que ces lampes chauffent, et surtout que leur luminance ne peut pas être modulée sans faire varier leur température de couleur, mais i reste possible de varier l’intensité de l’éclairage en les rapprochant ou en les éloignant des tirages, ou en modifiant leur nombre dans le cas de grandes surfaces de travail. Il est possible de se construire soi-même une cabine ; une fois qu’on a un bon système de visualisation des tirages, il ne reste plus qu’à calibrer l’écran pour l’y faire correspondre.


Et hors du bureau?

Il est certes appréciable d’avoir une bonne correspondance entre écran et tirage, mais nos photos ne sont quand même pas faites pour être exposées dans une cabine de visualisation normalisée! Que se passe-t-il donc si on sort du système ? Il n’est alors plus question de correspondance entre deux médias, et nos yeux sont là pour compenser l’illuminant ; le tirage qui avait l’air bon en conditions normalisées... a toujours l’air bon hors de ces conditions, comme on en a tous fait l’expérience. Il n’est que dans de rares cas que des problèmes de métamérisme peuvent se poser.

Qu’est-ce que le métamérisme ? C’est une particularité de la vision humaine, qui peut faire voir comme de couleur identique deux sources de composantes spectrales différentes. C’est grâce à cette propriété qu’un mélange de bleu cyan et de jaune nous apparaît bien vert ! Sans le métamérisme, la quasi-totalité de nos systèmes de reproductions de couleur autour de nous ne pourraient pas fonctionner, et surtout pas la photographie couleur. Cependant, le métamérisme dépend de l’illuminant, et ces deux couleurs qui apparaissaient identiques sous un illuminant donné peuvent sembler différentes sous un autre illuminant. Elles se sont donc chacune modifiées autrement que sous la simple influence de la couleur de l’illuminant, et c’est ainsi qu’un tirage peut parfois changer d’aspect en fonction de l’éclairage.


Certains écrans sont plus égaux que d’autres

Les prix des écrans LCD varient entre une centaine et plusieurs milliers d’euros, et il va bien au-delà du cadre du présent article de présenter toutes leurs caractéristiques : type de dalle, gamme de couleurs et autres qualités, mais ici comme ailleurs, force est de constater qu'on en a quand même souvent pour son argent. Les moniteurs haut de gamme permettent notamment de faciliter la ou les calibrations, par exemple les NEC SpectraViewII utilisés par l’auteur permettent, plutôt que de modifier le réglage de l’écran avec les boutons de l’OSD avant de le caractériser, de simplement indiquer au logiciel de calibrage intégré une nouvelle cible, qui sera directement intégrée dans la table de contrôle de l’écran, avec des calculs sur 12 ou 16 bits pour éviter les problèmes de dégradés irréguliers. Le point blanc peut être spécifié en température de couleur ou en coordonnées CIE xy (pour le réglage de la composante magenta/vert), et il est possible de réaliser plusieurs calibrages et profils différents pour s’adapter par exemple à plusieurs types de papiers (mat ou brillant pour le contraste, chaud ou froid pour le point blanc…) ou à plusieurs conditions de visualisation (un pour les Solux, un pour la cabine GTI), et surtout de passer de l’un à l’autre de ces calibrages à volonté en quelques clics. Les cibles de calibrage sont même partageables pour un rendu identique sur différents postes de travail. Pour ce qui nous préoccupe, la possibilité d’avoir plusieurs calibrages à portée de main, et un bon contrôle sur le contraste et le point blanc, est un luxe très appréciable pour faire correspondre écran et tirages. Il reste bien sûr possible de n’avoir qu’un calibrage, et différents profils pour différents rendus.


Et si ça ne marche pas…

Il reste possible que les tirages apparaissent trop sombres, quel que soit l’illuminant. Faut il pour autant corriger leur luminosité dans votre éditeur favori ? Pas si sûr, et plus exactement pas avant d’être certain que le problème ne vient que de l’image. Marquez sur un papier, ou faites des copies d’écran de tous les paramètres du pilote d’imprimante et du logiciel utilisé pour l’impression, et réimprimez avec ces exacts paramètres une image test connue (cf. ci-dessous). Si l’image test n’est pas trop sombre, le problème est bien dans l’image, dont les valeurs RGB sont effectivement trop sombres. Le problème suivant est de savoir pourquoi ne l’avez-vous pas remarqué à l’écran : le profil écran est-il bien pris en compte, tant par le système que par le logiciel d’impression ? Ce profil doit apparaître en haut de la liste déroulante des profils de travail RGB dans les paramètres de couleurs de Photoshop sous la mention Moniteur :xxxxx, ne le sélectionnez pas, mais vérifiez qu’il soit bien là.

Si, par contre, les images test apparaissent elles aussi trop sombres, le problème est ailleurs. Peut-être un mauvais profil ICC d’impression ? Si le problème subsiste avec un autre papier et un autre profil, le problème est encore ailleurs. Si vous avez plusieurs applications gérant les profils ICC (par exemple Photoshop et Lightroom), tentez d’utiliser l’autre. A tenter aussi, si c’est possible : imprimer depuis un autre système d’exploitation, et/ou avec une autre version du pilote d’impression, et/ou avec une autre imprimante… Tentez aussi différentes méthodes d’impression : si dans le cas général « Laisser Photoshop gérer les couleurs » est à privilégier, choisir « Laisser l’imprimante gérer les couleurs », en indiquant dans le pilote d’imprimante le profil ICC du document et celui utilisé pour l’impression, peut aussi résoudre certains problèmes. D’une façon générale, altérer la luminosité du document risque d’être un emplâtre sur une jambe de bois si le problème se situe ailleurs dans le processus d’impression. Non, on ne vit pas dans un monde parfait, et des bugs existent aussi dans la gestion de la couleurs ; des essais méthodiques devraient permettre de les localiser pour les éviter.


Images de référence

Il est utile, pour tester la chaine d’impression comme le présent article le propose, de disposer d’images de test dont on sait qu’elles ne présentent pas de défauts (dérive de couleur, luminosité) et même certaines qualités particulières : des gradients, des couleurs dont les défauts apparaissent plus facilement à l'oeil comme les ciels bleus ou les tons chairs. De telles images peuvent se trouver sur Internet libres de droits d’utilisation ; Bill Atkinson en héberge de très recommandables (en plus de celle citée plus haut), avec des images de synthèse et d’autres naturelles qui puissent pousser les imprimantes dans leurs derniers retranchements, sur :

http://homepage.mac.com/billatkinson/FileSharing2.html

Voir aussi l’image test chez Pixl :

http://www.pixl.dk/download/

Les images de référence Roman 16 sont des captures numériques de très haute qualité, avec nombre de motifs de couleurs très variés qui les rendent idéales pour tester une chaîne d’impression. Elles ne sont pas gratuites, ce qui ne leur enlève pas leurs qualités :

http://www.roman16.com/en/



En conclusion

La procédure et les matériels décrits ici devraient permettre, selon toute probabilité, d'obtenir un résultat aussi bon un peu n’importe où. Mais... ce qui marche pour quelqu'un ne marche pas toujours pour un autre, et cette chaine dépend de son maillon le plus faible. Il a été écrit que « l'épreuvage écran n'est pas aussi efficace qu'il le devrait » et ce n'est pas vraiment faux : la technique utilisée est encore jeune, et pourrait encore s'améliorer. Sur le fond de la question, un épreuvage écran bien configuré donne quand même une bien meilleure correspondance entre l'écran et le tirage ; et si les perfectionnistes iront jusqu'à peindre leurs murs en gris neutre et contrôler tous les éclairages autres que ceux de la cabine, ce genre de petits détails peut encore améliorer les résultats mais n'a pas autant d'effet qu'une bonne calibration d'écran.

Pour ce qui est du problème des tirages trop sombres, on peut quand même affirmer avec confiance qu'une bonne calibration écran en fonction des conditions de visualisation des tirages, alliée à de bons profils d'impression et à l'épreuvage écran, permet de résoudre le problème.

Remerciements à William Hollingworth de NEC, et Cem Usakligil et Ratko Asanovi des forums NAPP, pour les retours apportés sur cet article.

Traduction française : Nicolas George

Article original en anglais publié sur le site Luminous Landscape

Novembre 2010


A propos d'Andrew Rodney

Andrew est le propriétaire de The Digital Dog, une société de consulting et de formation en imagerie numérique à Santa Fe, Nouveau Mexique. Andrew Rodney alias « The Digital Dog » forme et conseille des photographes, des designers, des imprimeurs, des agences gouvernementales, et certaines des plus grandes entreprises américaines depuis 1993. Il est l'auteur de nombreuses publications dans PDN, Publish, Photoshop User, Digital Photo Pro, Electronic Publishing, Digital Output, MacWeek, et Professional Photographer, et de l'ouvrage « Color Management for Photographers, Hands on Techniques for Photoshop Users » publié par Focal Press. Il organise des séminaires sur différents aspects de l'imagerie et de la photographie numérique et de la gestion de la couleur. Un des objectifs de The Digital Dog est d'expliquer et de répandre la gestion de la couleur.

Andrew est un bêta-testeur de Photoshop depuis la version 2.5 et est actuellement alpha-testeur pour Adobe Systems. Il est également un des principaux associés de PixelGenius, les créateurs de PhotoKit et PhotoKit-Sharpener (http://www.pixelgenius.com/index.html). Il a été nommé "Top 40 Photoshop Expert" par Wacom Technologies. En 2007, il a été reçu au NAPP Photoshop Hall of Fame. Le site web d'Andrew est http://www.digitaldog.net/.